Fond de travaux loi Alur : répartition des frais entre propriétaire et locataire
1,5 milliard d’euros. C’est, chaque année, le montant colossal stocké par les copropriétés françaises au titre du fonds de travaux. Derrière ce chiffre, une réalité moins visible : la frontière parfois floue entre ce que le propriétaire paie, ce que le locataire doit assumer, et ce que la loi interdit formellement de répercuter. Naviguer dans les méandres de la loi Alur, c’est accepter de jongler avec ces nuances, et s’y perdre, parfois, sans boussole claire.
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Fonds de travaux en copropriété : comprendre le dispositif instauré par la loi ALUR
La loi Alur n’a pas fait dans la demi-mesure lorsqu’elle a imposé, dès 2017, la création d’un fonds de travaux pour chaque copropriété de plus de dix lots principaux. L’objectif était limpide : éviter que les immeubles ne sombrent dans l’obsolescence faute d’anticipation, et préparer le terrain à des rénovations ambitieuses, notamment sur le plan énergétique. Ce budget prévisionnel vient s’ajouter à la gestion classique, mais avec une règle du jeu beaucoup plus stricte. Ici, chaque copropriétaire verse, au minimum, 5 % du budget annuel, une somme décidée en assemblée générale et placée dans une réserve bien distincte du budget habituel.
Ce fonds n’est pas une tirelire pour les petites réparations du quotidien. Il ne sert qu’aux travaux majeurs, ceux prévus dans le plan pluriannuel de travaux ou pointés par le diagnostic technique global (DTG). Exit l’idée de l’utiliser pour des dépenses courantes : la loi veille au grain et encadre fermement l’usage de cette épargne collective.
Pour clarifier le fonctionnement de ce dispositif, voici quelques points clés à retenir :
- Le syndicat des copropriétaires garde la main sur l’utilisation des montants épargnés, décidant collectivement des projets à financer.
- Le montant à verser et sa régularisation sont revus chaque année lors de l’assemblée générale, selon les besoins réels du bâtiment.
La gestion de ce fonds obéit à des règles strictes : compte bancaire dédié, transparence par la fiche synthétique, et suivi rigoureux de l’évolution des sommes. Le plan pluriannuel de travaux devient un véritable fil conducteur pour la copropriété, qu’il s’agisse de rénover une façade ou de lancer une isolation thermique d’envergure. Pour chaque copropriétaire, intégrer cette dimension est désormais incontournable, sous peine de voir la valeur de son appartement s’effriter au fil des ans.
Propriétaire ou locataire : qui paie quoi pour le fonds de travaux ?
La répartition des frais entre propriétaire et locataire autour du fonds de travaux loi Alur continue de susciter de nombreuses questions. Sur ce point, la réglementation ne laisse place à aucune ambiguïté : ce sont exclusivement les propriétaires, qu’ils occupent ou non le logement, qui alimentent ce fonds. Impossible de répercuter cette cotisation sur le locataire, quelles que soient les clauses du bail ou les dispositions du règlement de copropriété.
Le principe est simple : le fonds vise à financer de futurs travaux de grande ampleur dans les parties communes, pas l’entretien courant du logement. Le locataire, de son côté, règle les charges récupérables listées par le décret du 26 août 1987 : eau, entretien des ascenseurs, éclairage… mais la cotisation au fonds de travaux demeure dans la catégorie des charges non récupérables. Même la rédaction la plus astucieuse d’un contrat de location ne permet pas d’y déroger.
Pour mieux cerner ce partage des rôles, voici les règles principales :
- Le propriétaire prend en charge la cotisation au fonds de travaux inscrite à son nom.
- Le locataire ne règle que les dépenses d’usage courant ou d’entretien.
- Aucune clause contractuelle ne peut imposer au locataire de participer à cette réserve dédiée.
Le bailleur doit donc intégrer cette cotisation dans son calcul de rentabilité et la considérer comme une dépense structurelle liée à la propriété. Du côté du syndic de copropriété, la règle est appliquée sans distinction, que le lot soit occupé par son propriétaire ou loué à un tiers. Si certains travaux réalisés grâce au fonds peuvent, à terme, permettre une réévaluation du loyer lors d’un changement de locataire, la contribution elle-même reste hors du champ des charges récupérables.
Mettre en place et gérer efficacement le fonds de travaux dans sa copropriété
La gestion du fonds de travaux loi Alur repose sur un process précis, piloté par le syndic de copropriété. Chaque année, lors de l’assemblée générale, le syndic soumet le montant de la cotisation annuelle au vote. Le seuil minimal fixé par la loi est de 5 % du budget prévisionnel, mais rien n’empêche de viser plus haut si l’état de l’immeuble ou la stratégie du syndicat des copropriétaires l’exige.
Les sommes collectées alimentent un compte bancaire séparé, ce qui garantit une visibilité totale sur l’utilisation du fonds. Les copropriétaires disposent, à tout moment, d’une vue d’ensemble grâce à la fiche synthétique et au carnet d’entretien du bâtiment. Chaque année, le syndic présente un état détaillé des provisions, dépenses et du solde restant. Ce suivi devient particulièrement précieux lorsque le plan pluriannuel de travaux ou le diagnostic technique global (DTG) prévoit des opérations à venir.
L’utilisation du fonds ne se fait jamais à la légère. L’assemblée des copropriétaires décide collectivement des dépenses à engager, uniquement pour des travaux inscrits à l’ordre du jour et répondant aux critères posés par la loi Alur. Impossible d’utiliser cette réserve pour payer des charges courantes ou des dépenses non prévues. Ce système renforce le contrôle collectif sur les finances de la copropriété, tout en sécurisant la valeur du patrimoine commun.
Le fonds de travaux, c’est l’assurance d’un immeuble qui ne s’endort pas sur ses lauriers. À chaque assemblée, à chaque projet, la copropriété se donne les moyens d’agir, d’anticiper, de préserver sa valeur. Une dynamique qui, loin d’être une contrainte, dessine une copropriété plus résiliente et mieux armée pour l’avenir.
